Paul, le père d’Eric, est ce que l’on appellerait aujourd’hui un “serial entrepreneur”, un créateur visionnaire doublé d’un entrepreneur. Certaines de ses inventions comme le panier de fil de fer soudé, ancêtre des caddies de supermarché, seront de véritables réussites commerciales. Victime d’un grave accident qui mettra un terme à ces entreprises, il installe, en 1969, sa famille à Gonfaron dans un mas au milieu des champs.
Ici, il leur faudra se réinventer. De cette période, le petit Eric apprendra la ténacité.

Le temps de l’enfance
Odette, sa maman, est végétalienne avant l’heure. C’est lors d’un séjour ardéchois qu’elle apprendra à faire le pain intégral au levain. Une passion vite embrassée par toute la famille : Paul s’amuse à semer du blé et le petit Eric est chargé de moudre la farine au moulin à main. Odette, elle, pétrit, façonne, améliore ses recettes et en régale généreusement le voisinage ravi.

Le temps du rêve
L’adolescence touche à sa fin et Eric, qui a déjà le goût du challenge, semble se destiner à une carrière de coureur cycliste. Reconverti, avec succès, dans la vente par correspondance, son père l’accompagne de temps à autre sur les routes varoises. Et c’est appuyé à sa bicyclette qu’il propose à son fils de réaliser ce rêve secret dont ils ont tant parlé : créer leur boulangerie bio. Immédiatement, comme de coutume dans cette famille, les idées fusent et leur connaissance du secteur de la vente à distance leur inspire le modèle de l’entreprise. Nul besoin de points de vente : les pains seront livrés dans toute la région.

Le temps d’entreprendre
“Vous êtes fada* !”. Et, à dire vrai, ces réactions ne sont pas complètement usurpées… Effectivement, si les pains d’Odette sont délicieux, personne dans cette famille n’a de formation de boulanger. Tous trois décident alors de s’accorder une année d’expérimentation pour affiner leurs recettes et transformer l’appenti de la ferme en boulangerie.

Portés par une motivation et une énergie de tous les diables, ils livrent en juillet 79 leurs dix premières pièces au dépôt de pain du Luc-en-Provence. Il reprendront neufs invendus le lendemain ! Les consommateurs habitués aux baguettes industrielles, faites de farine hyper raffinée, caractéristiques des années 80, ont oublié le goût de la boulangerie authentique. Peu importe, il faudra convaincre.

*fou, en provençal

L’art du boulanger

L’histoire de la Boulangerie de l’Hermitage ne fait que commencer.

Sûr et fier de la qualité de ses pains désormais demi-complets, Eric identifie des points de vente et, au rythme de seize heures de travail quotidien, livre ses clients dont le nombre augmente peu à peu. 

Le temps de la croissance
C’est que ce pain, dont Eric dit encore aujourd’hui “qu’il est fabriqué pour donner du plaisir”, compte de plus en plus d’adeptes. L’entreprise grandit sans jamais trahir ses valeurs. Le pain demeure réalisé dans la plus pure tradition, bio, au levain, sans une once de levure (alors même qu’un faible pourcentage est aujourd’hui toléré par la législation). 

Le temps de l’épanouissement
En 2020, les onze employés de la petite manufacture produisent à présent 2000 pièces par jour. Dans le respect des traditions et avec un souci constant de qualité, les pains sont façonnés à la main, le levain nourri avec beaucoup de soin et les douze heures de fermentation, scrupuleusement respectées. 

Il faut en effet beaucoup d’amour pour concevoir ces produits qui font partie de la haute gastronomie. Alain Ducasse saura d’ailleurs reconnaître cette vision singulière et exigeante de l’art de la boulangerie d’Eric Dufaye en l’invitant à présenter ses spécialités au restaurant monégasque, le Louis XV.  Ces produits d’exception seront également mis à l’honneur par Jean Luc Petitrenaud dans la célèbre émission télévisée éponyme ainsi qu’à plusieurs reprises lors de salons parisiens réputés.

Le temps de se remettre en projet !
Au delà de ces réussites, ce qu’il faut comprendre d’Eric Dufaye, c’est qu’il est passionné. Passionné d’abord par la boulangerie et par la fermentation, fier de participer à la confection de produits extraordinaires et de garantir leur qualité. À l’instar de son père, il est aussi, et surtout, un créatif, un homme de projet, un entrepreneur humaniste et curieux des autres.